Monsieur le Premier Ministre,
Ceci n’est pas une lettre au Père Noël, ni la liste de nos vœux pour la nouvelle année. Il ne s’agit pas d’une liste de bonnes résolutions ni d’une lettre d’intentions. Ceci est un appel à l’aide pour nos patients et pour nous, orthophonistes.
Nous comptons sur vous. Les patients et leurs aidants comptent sur vous. Les orthophonistes exercent des missions de prévention et d’évaluation, posent des diagnostics et interviennent auprès de patients dès la naissance et jusqu’à l’âge avancé. Des domaines aussi variés que le maintien de la communication et des fonctions cognitives dans les maladies neuro évolutives, les troubles du neurodéveloppement comme l’autisme ou les troubles des apprentissages, les cancers de la sphère ORL, les aphasies, le bégaiement, la surdité, les difficultés alimentaires chez les nouveaux-nés comme chez les personnes âgées sont le cœur de nos compétences. Un champ de compétence vaste et bien méconnu, malgré des besoins croissants, en particulier compte tenu du vieillissement de la population mais aussi du dépistage précoce des troubles du neurodéveloppement.
L’accès aux soins en orthophonie se dégrade fortement, mois après mois, année après année, au gré des départs en retraite bien sûr, au gré de l’évolution des pratiques et des habitudes, évidemment, mais aussi au gré des reconversions et des départs anticipés pour cause d’épuisement professionnel ou de la lassitude liée à des conditions de travail délétères. 90% des orthophonistes ne sont pas en mesure d’accepter de nouveau patient, et chaque orthophoniste doit inscrire sur liste d’attente en moyenne 9 patients par semaine. Il n’est pas trop tard pour agir.
Les orthophonistes, dont 97% sont des femmes, sont des professionnelles de santé particulièrement mobilisées. Mobilisées auprès de leurs patients, de l’entourage des patients, mobilisées dans leur travail en coordination avec les autres professionnels de santé et dans leur engagement conventionnel, mobilisées aussi dans l’engagement collectif, qu’il soit syndical ou associatif.
Nous sommes fières de piloter l’organisation représentative qui agrège le plus d’adhérents parmi toutes les professions de santé. Grâce à cette présence sur le terrain, nous organisons depuis plusieurs années des plateformes de réponses à ces afflux de demandes de soins afin de faciliter les parcours pour les patients et de soulager la charge de travail des professionnelles. Nous espérons la généralisation de ces plateformes via un dispositif conventionnel pour l’année 2025. Vous pouvez nous y aider.
Suite à notre action de sensibilisation des parlementaires, Agnès Firmin Le Bodo a déposé une proposition de loi visant à renforcer la démographie professionnelle des orthophonistes. Ce texte, cosigné par la majorité des groupes politiques, constitue une voie d’action pérenne et cohérente pour améliorer durablement l’accès aux soins de nos concitoyens.
Les négociations paritaires entre les partenaires sociaux et les fédérations d’employeurs d’établissements médico sociaux n’aboutissent pas, laissant sur le carreau les orthophonistes, diplômées par un grade master et qui continuent de recevoir des salaires de misère dans des conditions indignes de leur expertise et de leur autonomie. La vacance des postes salariés en orthophonie s’accentue. Les patients de ces structures ont besoin de nous.
De leur côté, les orthophonistes exerçant en libéral voient leurs revenus subir la pression de la situation budgétaire. Le montant des actes des orthophonistes évolue bien trop lentement, comme touchant un plafond de verre, alors que les cotisations sociales et les charges augmentent et font ainsi décrocher toute une profession qui se sent déclassée. Les orthophonistes méritent plus.
Des leviers existent, des solutions concrètes sont à notre portée mais nous avons besoin de votre engagement pour que les centaines de milliers de patients en attente de soins en orthophonie voient leurs difficultés se résorber et que leur insertion ou leur réinsertion dans la société ne soit pas remise en question.
Monsieur le Premier Ministre, notre organisation représentative est un syndicat raisonnable et constructif, une corporation consciente du contexte économique et social dans lequel nous évoluons, une structure prête à se mettre autour de la table et à discuter. Il y a urgence, mais je formule le vœu que 2025 soit l’année de votre engagement pour notre profession.